Dans le cadre de la lutte contre les stratégies d’optimisation fiscale abusives, le législateur a mis en place, à compter du 14 novembre 2012, un nouveau dispositif excluant du régime des plus-values le produit résultant de la première cession à titre onéreux d’un usufruit temporaire (CGI art. 13- 5°).

Ce produit est désormais taxé au barème progressif de l’impôt sur le revenu, en tant que revenu, et non comme une plus-value, selon les modalités applicables aux revenus susceptibles d’être procurés par le bien démembré.

Ce dispositif s’applique aux cessions d’usufruit consenties pour une durée fixe et réalisées par des personnes physiques. Il a donné un coup d’arrêt à un certain nombre de montages patrimoniaux permettant par exemple à un particulier de se dessaisir temporairement de l’usufruit de ses parts de SCI, d’optimiser son impôt sur le revenu pendant cette période, avant de retrouver la pleine propriété de ses parts à l’issue de ladite période.

Un champ d’application incertain jusqu’à présent

Son champ d’application méritait cependant des commentaires de la part de l’administration fiscale, dont on craignait une interprétation très large et paralysante pour certaines stratégies patrimoniales déjà engagées.

En particulier, une Réponse Ministérielle LAMBERT [1] avait semé le trouble en précisant que le nouveau dispositif trouvait à s’appliquer à toute première cession d’un usufruit en société, l’usufruit consenti à une société constituant par principe un usufruit temporaire. La durée d’un tel usufruit ne peut en effet excéder trente ans en application de l’article 619 du Code civil.

Bien que non conforme à notre avis à l’objectif du texte de loi, cette position s’est avérée embarrassante dans des situations de transmission déjà engagées au profit des enfants via des donations en nue-propriété et où les parents, titulaires d’un droit d’usufruit viager, se trouvaient dès lors dans l’impossibilité d’apporter ou céder leurs parts à une nouvelle structure sociétaire sans s’exposer à un coût fiscal important en matière d’impôt sur les revenus.

Les apports de la nouvelle documentation administrative

Dans une mise à jour de sa base BOFIP publiée le 5 août 2015 (BOI-IR-BASE-10-10-30 du 5-8-2015), l’administration fiscale est revenue sur cette position. Elle considère désormais que lorsque l’usufruit est cédé à une personne morale, il convient de distinguer :

  • si l’usufruit est constitué sur la tête de la personne morale, c’est-à-dire qu’il est détaché de la pleine propriété du cédant : dans ce cas, la cession entre dans le champ d’application du dispositif. En effet, en application de l’article 619 du code civil, la durée de cet usufruit ne pouvant excéder trente ans, cet usufruit est nécessairement consenti pour une durée fixe ;
  • si l’usufruit est préconstitué sur la tête du cédant antérieurement à la cession : dans ce cas, la cession porte sur un usufruit viager et, à ce titre, n’entre pas dans le champ d’application du dispositif, à moins que l’usufruit ne soit consenti pour une durée fixe.

Dans cette documentation, l’administration fiscale confirme la position exposée dans la Réponse Ministérielle Lambert précitée selon laquelle la cession concomitante de l’usufruit temporaire à un premier cessionnaire et de la nue-propriété à un second cessionnaire entre dans le champ d’application du dispositif.

Il est également confirmé qu’il convient d’entendre par cessions à titre onéreux toutes les transmissions qui comportent une contrepartie en faveur du cédant à savoir, notamment, en dehors des ventes proprement dites, les échanges et les apports en société, qu’il s’agisse d’un apport à une société soumise à l’impôt sur les sociétés ou à une société soumise à l’impôt sur le revenu. En revanche, n’entrent pas dans le champ d’application du dispositif, les mutations à titre gratuit telles que les donations d’usufruit temporaire.

Enfin, l’administration fiscale précise que le produit de cession imposable pris en compte pour le calcul de l’IR selon le barème progressif, peut bénéficier du mécanisme du quotient en faveur des revenus exceptionnels.

Ces nouveaux commentaires administratifs devraient permettre de sécuriser un certain nombre de stratégies patrimoniales.

[1] Réponse Ministérielle Lambert : AN 2-7-2013 p. 6919 no 15540